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LA DOUBLE PARTICIPATION AU SACERDOCE DU CHRIST :
SACERDOCE MINISTÉRIEL ET SACERDOCE COMMUN

INTRODUCTION

Le Christ, prêtre éternel, a voulu que son unique et indivisible sacerdoce soit participé par son Église. La dignité des membres de cette Église est commune en raison de leur Baptême et de leur Confirmation (LG 10), leur grâce de fils et filles adoptives est commune, et leur vocation à la perfection est commune.

De par leur Baptême, tous les membres de l'Église participent à l'unique sacerdoce du Christ et c'est ce qu'on appelle le sacerdoce commun ou baptismal. Mais certains sont aussi constitués, par volonté du Christ, "docteurs, dispensateurs des mystères et pasteurs pour les autres" et c'est ce qu'on appelle le sacerdoce ministériel qui est « est relatif au déploiement de la grâce baptismale de tous les chrétiens » (CEC 1547).

Sacerdoce commun et sacerdoce ministériel, bien qu'ils diffèrent essentiellement et non selon le degré, sont cependant ordonnés l'un à l'autre ; l'un et l'autre, chacun selon son mode propre, participent de l'unique sacerdoce du Christ.

LE CHRIST : UNIQUE GRAND PRÊTRE

De même que le Christ est l'unique Tête de l'Église et l'unique Médiateur entre Dieu et les Hommes, de même il est l'unique grand Prêtre qui transmet les dons divins aux Hommes et réconcilie les Hommes avec Dieu. Sa plénitude de grâce qui constitue formellement son sacerdoce s'exerce d'une triple manière : cultuelle (l'offrande de soi-même sur l'autel de la Croix pour la gloire de Dieu et le salut du monde), prophétique (la prédication de la vérité) et royale (la conduite des fidèles vers la gloire). Ces trois fonctions du Christ-Prêtre[1] sont appelées les tria munera christi : la sanctification (munus sanctificandi), l'enseignement (munus docendi) et le gouvernement (munus regendi).

LE SACERDOCE MINISTÉRIEL ET LE DIACONAT

Le sacerdoce ministériel est transmis par le sacrement de l'Ordre. Il comprend l'épiscopat et le presbytérat, que le diaconat, qui relève lui aussi du sacrement de l'Ordre, est destiné à aider et servir. On parle donc pour l'épiscopat et le presbytérat de « degrés de participation sacerdotale », et pour le diaconat de « degré de service.[2]» Le fondement ontologique de ces trois degrés du sacrement de l'Ordre consiste et dans la grâce sacramentelle et dans le caractère que ce sacrement imprime dans l’âme. Le sacerdoce ministériel diffère essentiellement du sacerdoce commun des fidèles parce qu'il confère un pouvoir sacré pour le service des fidèles (CEC 1592).

Les trois degrés du sacrement de l'Ordre

À l'intérieur de l'unique sacrement de l'Ordre, il existe entre l'épiscopat, le presbytérat et le diaconat une différence non pas essentielle, comme entre le sacerdoce ministériel et le sacerdoce commun, mais de degré seulement. L'épiscopat constitue en effet la plénitude de ce sacrement, d'où son autre nom de « sacerdoce suprême », et de lui dépendent le presbytérat et le diaconat.

L'épiscopat

La mise en lumière de l'épiscopat comme plénitude du sacrement de l'Ordre remonte seulement au Concile Vatican II. Les évêques, successeurs des Apôtres, tiennent la place éminente du Christ lui-même comme maîtres de la foi, pontifes et pasteurs. Par eux se transmet, le ministère épiscopal, presbytéral et diaconal (Cf. LG 28).

Le presbytérat

La fonction ministérielle des évêques transmises aux prêtres à un degré subordonné fait de ceux-ci les coopérateurs des évêques. Dépendant des évêques dans l'exercice de leur pouvoir, les prêtres sont cependant revêtus de la dignité sacerdotale. Ils sont ordonnés pour prêcher l'Évangile, conduire la portion du peuple de Dieu qui leur est confiée et célébrer le culte divin.

Le diaconat

Les diacres se situent au degré inférieur de la hiérarchie. Ils sont ordonnés non en vue du sacerdoce, mais du service (cf. LG 29). Alors que lors de l'ordination d'un prêtre, les autres prêtres imposent les mains à l'ordinand, dans le cas d'un diacre, seul l'évêque accomplit ce geste signifiant par là que le nouveau ministre lui est spécialement rattaché.

Le caractère

Comme les sacrements du Baptême et de la Confirmation, le sacrement de l'Ordre confère un caractère spirituel indélébile qui configure à l'humanité du Christ[3]. Cette marque permanente dans l'âme demeure, dans le cas du sacrement de l'Ordre, comme une disposition au service de l'Église. Elle est une sacra potestas (Cf. LG 10 ; 18 ; 27) qui habilite à agir en tant que représentant du Christ, Tête de l'Église, dans sa triple fonction de Prêtre, Prophète et Roi. Par elle, l'évêque et le prêtre sont disposés à agir in persona Christi capitis, et aussi, en incluant ici le diacre, in nomine ecclesiae, au nom de toute l'Église.

La grâce sacramentelle

La grâce sacramentelle reçue lors de l'ordination épiscopale, presbytérale ou diaconale est tout ordonnée au service du sacerdoce commun des fidèles dont l'essence consiste en l'offrande d'un sacrifice spirituel (cf Rm 12,1). Cette articulation des deux sacerdoces, commun et ministériel, qui diffèrent essentiellement (cf. LG 10) apparaît au plus haut point lors de la célébration eucharistique. Tandis que l'évêque ou le prêtre fait, in persona Christi, le sacrifice eucharistique et l'offre à Dieu au nom du peuple tout entier, les fidèles concourent à cette offrande (cf. LG 10).

EN LA PERSONNE DU CHRIST-TÊTE ET AU NOM DE L'ÉGLISE

Les expressions in persona Christi capitis, en la personne du Christ-Tête, et in nomine ecclesiae, au nom de l'Église, sont anciennes.

Dire de l'évêque ou du prêtre qu'il agit in persona Christi capitis, signifie que, par ses actes ministériels, le Christ Lui-même « est présent à son Église en tant que Tête de son corps, Pasteur de son troupeau, grand prêtre du sacrifice rédempteur, Maître de la Vérité.[4]» Nous sommes là dans une médiation descendante.

Le sacerdoce ministériel agit aussi au nom de toute l'Église lorsqu'il présente à Dieu la prière de l'Église, au cours notamment de la célébration liturgique, et surtout lorsqu'il offre le sacrifice eucharistique. Le ministre n'agit pas en son nom propre, ni par lui-même, ni par une autorité qui lui serait propre. Il est le signe ou du Christ ou de l'Église.

Conclusion

« L'Ordre est le sacrement grâce auquel la mission confiée par le Christ à ses Apôtres continue à être exercée dans l'Église jusqu'à la fin des temps.[5]» Par ce sacrement, le Christ Lui-même se rend présent à son Église comme sa Tête.

LE SACERDOCE COMMUN

Le sacerdoce commun est la principale participation à l'unique sacerdoce du Christ. Jusque dans les années 50, le sacerdoce ministériel était considéré comme le sacerdoce par excellence. Aujourd'hui, on reconnaît que sa place est subordonnée au sacerdoce du Christ et des fidèles. Le sacerdoce ordonné est un sacerdoce ministériel, c'est-à-dire de service. Jean Guitton dans son dernier ouvrage intitulé Mon testament philosophique s'imagine à l'article de la mort en dialogue, entre autres, avec Paul VI son grand ami. Lorsqu'il lui demande de l'assister en ses derniers instant, il le fait en ces termes : « Promettez-moi de rester jusqu'au bout. Promettez. J'y ai droit. Je suis baptisé comme vous. Peu importe que vous soyez pape, vous êtes d'abord prêtre, et moi je suis mourant, je suis un pauvre type à moitié damné, alors vous êtes à moi, vous m'appartenez comme le pain sur la table, vous m'avez donné votre vie.[6]»

Fondements du sacerdoce commun

Le sacerdoce commun de tous les fidèles s'enracinent dans les sacrements du Baptême et de la Confirmation (cf. 1305[7] et 1535), qui sont les deux seuls autres sacrements avec celui de l'Ordre à conférer un caractère. Alors que dans le sacerdoce ministériel le caractère est une puissance active en vue de la transmission des sacrements, dans le sacerdoce commun, ils sont une puissance passive de réception de la grâce.

Le caractère baptismal habilite à participer au culte divin dans lequel le sacrifice du Christ et celui des chrétiens ne font qu'un. C'est un culte intérieur et sa valeur dépend de la vie théologale des sujets qui l'accomplissent (cf. LG 11). La spécificité du caractère de la Confirmation est de conduire aux actes du témoignage chrétien lequel consiste dans la défense et la propagation de la foi[8].

Autrement dit, Le caractère baptismal habilite au culte liturgique de l'Église. Mais le culte spirituel inauguré par le Christ ne s'épuise pas par l'activité liturgique. Le culte liturgique est élargi au moyen du caractère de la Confirmation à toute la vie du chrétien.

Ces caractères sont indélébiles, contrairement à la grâce qui, bien que valant infiniment plus que le caractère, peut être perdue. Pourquoi le caractère ne peut-il pas se perdre ? Parce qu'il ne dépend pas de notre liberté comme la grâce, mais a une vertu purement référée au Christ. Le sacerdoce du Christ étant immuable, le caractère est aussi immuable.

Actes du sacerdoce commun

Selon le concile Vatican II, « les fidèles [...] concourent à l'offrande de l'Eucharistie et exercent leur sacerdoce par la réception des sacrements, la prière et l'action de grâces, le témoignage d'une vie sainte, et par leur renoncement et leur charité effective » (LG 10).

« Les fidèles incorporés à l'Église par le baptême ont reçu un caractère qui les délègue pour le culte religieux chrétien ; devenus fils de Dieu par une régénération, ils sont tenus de professer devant les hommes la foi que par l'Église ils ont reçue de Dieu. Par le sacrement de confirmation, leur lien avec l'Église est rendu plus parfait, ils sont enrichis d'une force spéciale de l'Esprit-Saint et obligés ainsi plus strictement tout à la fois à répandre et à défendre la foi par la parole et par l'action en vrais témoins du Christ. Participant au sacrifice eucharistique, source et sommet de toute la vie chrétienne, ils offrent à Dieu la victime divine et s'offrent eux-mêmes avec elle » (LG 11).

Les tria munera Christi dans les fidèles

« Par le Baptême, les fidèles participent au sacerdoce du Christ, à sa mission prophétique et royale » (CEC 1268).

La grâce baptismale du fidèle est :

  • Sacerdotale : le fidèle est le prêtre du sacrifice de lui-même et, dans l'assemblée eucharistique, il accomplit le sommet de son sacerdoce commun.
  • Prophétique : il est en effet témoin par toute sa vie de la vérité de l'Évangile.
  • Royale : il édifie toute la vie du monde en l'ordonnant à Dieu. La justice et la charité sont le fonds de sa vie sociale.

La différence essentielle entre le sacerdoce commun et le sacerdoce ministériel ne réside pas dans la sainteté à laquelle sont appelés tous les fidèles. Le sacerdoce ministériel ne signifie pas en soi un degré plus élevé de sainteté par rapport au sacerdoce commun des fidèles. Mais, par le sacerdoce ministériel, les prêtres ont reçu du Christ, par l'Esprit, un don spécifique, afin de pouvoir aider le peuple de Dieu à exercer fidèlement et pleinement le sacerdoce commun qui lui est conféré.

La différence entre sacerdoce commun et sacerdoce ministériel est essentielle en ce sens que alors que le sacerdoce commun des fidèles se réalise dans le déploiement de la grâce baptismale, vie de foi, d'espérance et de charité, vie selon l'Esprit, le sacerdoce ministériel est au service du sacerdoce commun, il est relatif au déploiement de la grâce baptismale de tous les chrétiens. Le sacerdoce ministériel diffère essentiellement du sacerdoce commun des fidèles parce qu'il confère un pouvoir sacré pour le service des fidèles.

L'ORDRE DES TRIA MUNERA

Dans l'Ancien Testament, trois catégories de personnes reçoivent une onction : le prêtre (Aaron et ses descendants), le roi (Saül et David) et le prophète (Élisée). Le Christ cumule ces trois fonctions ou tria munera de par une unique onction triforme et les communique aux Hommes dans la ligne du sacerdoce baptismal et dans celle du sacerdoce ministériel. Ces fonctions ordonnées entre elles en lien avec les vertus théologales de foi, d'espérance et de charité, peuvent être appréciées soit selon un ordre de génération, soit selon un ordre de perfection.

Les tria munera selon l'ordre de génération

L'ordre de génération consiste à partir du moins parfait pour aller vers le plus parfait. Selon cet ordre, la charge d'enseigner ou munus docendi, précède la charge de sanctifier ou munus sanctificandi qui lui-même est suivi de la charge de gouverner le peuple de Dieu ou munus regendi. La prédication en effet engendre la foi, qui conduit à demander le baptême, porte de tous les sacrements dont l'eucharistie, sacrement de la charité, est le sommet, et dès lors la vie des chrétiens doit être gouvernée dans l'espérance des biens eschatologiques. A ce propos, le concile Vatican II enseigne que les prêtres ont « pour première fonction d'annoncer l'Évangile de Dieu à tous les Hommes.[9]»

Les tria munera selon l'ordre de perfection

L'ordre de perfection n'est pas un ordre d'exécution comme l'ordre de génération, mais de hiérarchie des valeurs. Selon lui, le munus sanctificandi précède le munus docendi qui lui-même prend place avant le munus regendi. Dans ce sens, le concile Vatican II affirme que le munus sanctificandi est la principale fonction des prêtres (cf. PO 13), notamment par la célébration de la sainte Eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne. Les munera docendi et regendi sont seconds en tant que la fonction d'enseignement lui est dispositive et la fonction de gouvernement consécutive.

Ordination des femmes

« Afin qu'il ne subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui concerne la constitution divine de l'Église, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères (Lc 22,32), que l'Église n'a en aucune manière le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l'Église » (Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis, 1994, n° 4, in Documentation Catholique, n° 2096, 18 juin 1994, p. 551-552).

« On doit considérer comme appartenant au dépôt de la foi la doctrine selon laquelle l'Église n'a pas le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale aux femmes, doctrine qui a été proposée par la Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis (1994) comme à tenir de manière définitive. [...] cette doctrine exige un assentiment définitif parce qu'elle est fondée sur la Parole de Dieu écrite, qu'elle a été constamment conservée et mise en pratique dans la Tradition de l'Église depuis l'origine et qu'elle a été proposée infailliblement par la Magistère ordinaire et universel (cf. Concile Vatican II , Constitution dogmatique Lumen gentium 25,2). » (Documentation catholique n° 2128, 17 décembre 1995, p. 1079).

« La diversité des fonctions (du prêtre et de la femme) n'est pas le résultat d'un ordre arbitraire, mais découle des caractères de l'être masculin et féminin. » (Jean-Paul II, Lettre aux femmes, n° 11 1995).

 

[1] CEC 783.

[2] Ibid., 1554.

[3] Ibid. 1121.

[4] Ibid. 1548.

[5] Ibid. 1536.

[6] Presses de la Renaissance, 1997, p. 89.

[7] "Le "caractère" [de la Confirmation] perfectionne le sacerdoce commun des fidèles, reçu dans le Baptême, et "le confirmé reçoit la puissance de confesser la foi du Christ publiquement, et comme en vertu d'une charge" (S. Thomas, IIIa, q. 72, a. 5, ad 2)."

[8] Cf. Jean-Paul II, « Audience générale du 1er avril 1992 », DC 89 (1992), p. 412.

[9] PO 4.

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