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LE SENS CHRÉTIEN DE LA SOUFFRANCE HUMAINE (4)
LECTURE DE LA LETTRE APOSTOLIQUE SALVIFICI DOLORIS (11 février 1984)
DU PAPE JEAN-PAUL II

 


Jésus-Christ : la souffrance vaincue par l'amour

 

Dieu a envoyé son Fils dans le monde, Il l'a donné, pour sauver le monde, c'est-à-dire pour le libérer du mal, pour que l'homme ne périsse pas, mais ait la vie éternelle (cf. Jn 3,16). Cette libération, le Fils va l'accomplir « à travers sa propre souffrance » (n° 14). C'est là une dimension nouvelle du thème de la souffrance : la dimension de la Rédemption.

 

Le salut apporté par le Christ vise avant tout à protéger l'homme contre la souffrance définitive, c'est-à-dire la séparation d'avec Dieu, la damnation. Le Christ « doit donc atteindre le mal jusqu'en ses racines transcendantes à partir desquelles ce mal se développe dans l'histoire de l'homme » (n° 14). Ces racines, ce sont le péché et la mort, conséquences du péché originel, dont le Fils de Dieu triomphe par son obéissance au Père jusqu'à la mort et par sa résurrection.

 

Si la souffrance d'une personne ne peut être toujours directement reliée à un péché qu'elle aurait commis, comme le montre l'exemple de Job, elle ne peut pas néanmoins être séparée du péché des origines, ni « de l'arrière-plan pécheur des actions personnelles et des processus sociaux dans l'his­toire de l'homme » (n° 15).

 

Le Christ, bien que totalement innocent, s'est fait proche du monde de la souffrance humaine. « Il est passé en faisant le bien » (Ac 10, 38), avec une attention particulière aux souffrances physiques et psychologiques. Dans son enseignement, les béatitudes témoignent de cette attention. Surtout, il a partagé la souffrance humaine et l'a prise sur lui, tout au long de sa vie et par sa mort en croix où il s'est librement chargé des péchés de tous, embrassant ainsi l'étendue du mal. Ce faisant, il accom­plissait les Écritures (cf. Is 53, 2-9). « Le Christ souffre volontairement et c'est innocent qu'il souffre » (n° 17).

 

Comme pour Job, le Christ porte en lui l'interrogation sur le sens de la souffrance, d'autant plus qu'il est le Fils unique de Dieu. « Mais, nous dit Jean-Paul II, il apporte également la plus complète des réponses possibles à cette question ». Cette réponse, le Christ la donne par son enseignement, et surtout par sa propre souffrance, par « le langage de la Croix » (1 Co 1, 18). La vérité de la souf­france du Christ apparaît particulièrement dans sa prière à Gethsémani qui révèle aussi la vérité de son amour pour le Père, et dans son interrogation sur la Croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? ». « Le Christ, par la profondeur divine de l'union filiale à son Père, perçoit d'une façon humainement inexprimable la souffrance qu'est la séparation, le rejet du Père, la rup­ture avec Dieu. Mais c'est justement par cette souffrance qu'il opère la Rédemption » (n° 18). Dans sa Passion, il a lié la souffrance humaine à l'amour, lui donnant ainsi valeur de salut, selon la pro­phétie d'Isaïe 53, 10-12. « Dans la Croix du Christ, non seulement la Rédemption s'est accomplie par la souffrance, mais de plus la souffrance humaine elle-même a été rachetée » (n° 19).

 

De ce fait, l'homme peut participer lui aussi à la souffrance par laquelle la Rédemption s'est accom­plie, éclairé et soutenu par l'exemple[1] et par la Résurrection du Christ (cf. n° 20). S. Paul exhorte les chrétiens dans ce sens lorsqu'il écrit : « Je vous exhorte, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu: c'est là le culte spirituel que vous avez à rendre » (Rm 12,1). Cette participation aux souffrances du Christ n'est possible que parce que le Christ « a ouvert sa souffrance à l'homme » (n° 20), souffrance qui en un sens comprenait toutes les souffrances humaines.

 

L'ultime étape de l'itinéraire spirituel lié à la souffrance tient alors dans les paroles de S. Paul aux Colossiens : « Je trouve ma joie dans les souffrances que j'endure pour vous, et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l'Église » (Col 1,24). Celui donc qui souffre en union avec le Christ non seulement peut puiser dans le Christ la force de sup­porter ses souffrances, mais aussi peut compléter par sa souffrance « ce qui manque aux épreuves du Christ » en vue de l'édification de l'Église. Est mis ainsi en relief « la vérité sur le caractère créateur de la souffrance » (n° 24).

 

Cela ne veut pas dire bien sûr que la Rédemption accomplie par le Christ n'est pas complète. La souffrance du Christ a créé le bien infini de la Rédemption du monde. « Aucun Homme ne peut lui ajouter quoi que ce soit ». Mais cela signifie que la Rédemption« reste constamment ouverte à tout amour qui s'exprime dans la souffrance humaine ». La souffrance humaine complète la souffrance du Christ « comme l'Église complète l'œuvre rédemptrice du Christ » (n° 24).

 

Ceux qui communient aux souffrances du Christ sont aussi appelés à prendre part à sa gloire. S. Paul l'écrit aux Corinthiens : « La légère tribulation d'un instant nous prépare, jusqu'à l'excès, une masse éternelle de gloire » (2 Co 4,17). De même l'Apôtre Pierre : « Dans la mesure où vous parti­cipez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin que, lors de la révélation de sa gloire, vous soyez aussi dans la joie et l'allégresse » (1 P 4,13). « Les souffrances humaines peuvent être péné­trées de la puissance de Dieu » et, « selon cette conception, souffrir signifie devenir particulière­ment réceptif, particulièrement ouvert à l'action des forces salvifiques de Dieu offertes à l'humanité dans le Christ » (n°23).


[1] « La souffrance est aussi un appel à manifester la grandeur morale de l'homme, sa maturité spirituelle » (n° 21) ; « Dans la souffrance est comme contenu un appel particulier à la vertu que l'homme doit exercer pour sa part. Et cette vertu est celle de la persévérance dans l'acceptation de ce qui dérange et fait mal » (n° 23).