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LA DIFFICULTÉ À ÊTRE CHARITABLE

 

Nous le savons d'expérience, s'aimer soi-même et aimer les autres d'un amour de bienveillance ou d'amitié n'est pas aisé. Les difficultés tiennent principalement à nous-même, secondairement aux autres et aux circonstances. Principalement à nous-même parce que aimer, c'est vouloir du bien à autrui. Or, notre volonté dépend de nous, et nous constatons que nous ne voulons pas toujours le bien. S. Paul a particulièrement su décrire ce drame dans sa lettre aux Romains : « Vraiment ce que je fais je ne le comprends pas : car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais. [...] Vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l'accomplir : puisque je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas » (Rm 7, 15.18-19).

 

Cette défaillance de notre volonté, son mal donc, qui nous empêche d'aimer à plein temps, trouve diverses explications – psychologiques, sociologiques, ésotériques... – qui sont toutes insatisfaisantes parce qu'elles n'atteignent pas la racine du mal. N'ayons pas peur de dire que seuls la Révélation et le salut apportés par le Christ sont capables et de nous instruire sur l'origine de ce mal et d'y remédier. La foi nous enseigne en effet que la faiblesse de notre volonté est l'une des conséquences du péché originel commis par les parents de l'humanité, Adam et Ève. Il n'est pas d'autre remède à ce péché qui a blessé la nature humaine que la grâce du Christ. S. Paul le dit encore dans sa lettre aux Romains : « Je me complais dans la loi de Dieu du point de vue de l'homme intérieur ; mais j'aperçois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi de mon esprit et m'enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera du corps de cette mort ? La grâce de Dieu par Jésus Christ notre Seigneur ! » (Rm 7, 22-25). Tout homme fait l'expérience de cette lutte intérieure. Si le Baptême nous lave de la tache du péché originel et vient éclairer notre intelligence par la vertu de foi, et fortifier notre volonté par les vertus d'espérance et de charité, il ne supprime pas cependant ce que la théologie a appelé “la concupiscence” ou “foyer de péché” qui est une inclination au mal contre laquelle nous aurons à combattre notre vie durant[1].

 

L'un des rôles de la vertu de charité est d'orienter droitement notre volonté et notre amour de convoitise pour qu'ils ne se laissent pas entraîner par la concupiscence, et de nous rendre forts pour aimer tout le monde toujours, partout et sans condition. Jésus, lui qui nous a aimé jusqu'à l'extrême, comme le rapporte l'Évangile selon S. Jean (13, 1), ne nous a pas dit autre chose dans le Sermon sur la montagne à propos notamment de l'amour des ennemis : « Vous donc soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48). Toutefois, si la mesure de l'amour de Dieu, c'est de L'aimer sans mesure[2], nous devons aimer autrui avec mesure, c'est-à-dire en référence à Dieu[3].


[1] Sur les raisons de convenance à la permanence de la concupiscence après le Baptême, cf. ST IIIa, q. 69, a. 3.

[2] Cf. S. Augustin, Lettre 109, 2. S. Bernard, De l'amour de Dieu, 1, 1.

[3] « Il n'y a pas de similitude entre l'acte intérieur et les actes extérieurs de la charité. L'acte intérieur a caractère de fin, puisque le bien suprême pour l'homme consiste dans l'union de son âme avec Dieu. [...] Les actes extérieurs [de notre charité pour Dieu et pour le prochain] sont de l'ordre des moyens. Ils doivent donc être mesurés, et selon la charité et selon la raison » IIa IIae, q. 27, a. 6, ad 3.

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